Faut-il dépister le cancer de la prostate ?

Faut-il dépister le cancer de la prostate ?

Publié le par chez Urologie Foch . Modifié le

Par le Pr. Thierry LEBRET Président de l’Association Française d’Urologie, Chef du Service d’Urologie de l’hôpital Foch. 

Voilà une question qui embarrasse tous les médecins ! Si l’on se réfère aux recommandations des autorités de tutelle, la réponse est non… mais en pratique les patients le réclame et en France, comme dans la plupart des pays qui utilisent à bon escient le PSA, la mortalité par cancer de la prostate a chuté de manière spectaculaire depuis 20 ans. Cette baisse de la mortalité par cancer de la prostate semble même s’accélérer puisque sur la période 2005-2011, on observe une diminution de 3,8 % par an, alors qu’elle n’est que de 0,8 % en moyenne sur la période précédente 1980-2005. Nous pouvons nous en réjouir, mais néanmoins ce cancer tue près de 10 000 patients par an et il reste le premier en termes d’incidence chez l’homme. Il ne faut donc pas baisser la garde et continuer à faire progresser sa prise en charge et améliorer la qualité des soins. La meilleure connaissance de la carcinogénèse, les progrès de l’imagerie et de l’anatomo-pathologie sont rapportées dans les publications récentes et pour synthétiser aujourd’hui nous savons que :

Plus la maladie est prise en charge à un stade précoce, meilleur sont les chances de guérison. En pratique, la guérison n’est possible qu’en cas d’atteinte localisée. A ce stade de la maladie, le cancer est dans l’immense majorité des cas asymptomatique. C’est à ce stade sans manifestation clinique qu’il est guérissable, c’est pour cette raison que seule une recherche active de ce cancer peur permettre de le « démasquer ».

Le PSA reste un marqueur fiable, économique et reproductible. Il a une bonne sensibilité et même si sa spécificité n’est pas parfaite il reste la cheville ouvrière du dépistage à condition de savoir l’utiliser. Son interprétation est parfois complexe, mais les urologues sont présents pour aider les médecins généralistes dans cette tâche. Il faut noter que dans les pays qui n’utilisent pas ce PSA dans le cadre de diagnostic précoce, ont des taux de cancer de prostate diagnostiqué au stade d’emblée métastatique (donc incurable) multiplié par 4 ou 5 .

En cas de cancer découvert au stade tardif métastatique, le traitement de référence est basé sur l’hormonothérapie c’est à dire la castration chimique. Ce traitement a de nombreux effets secondaires : trouble de l’érection, diminution de la libido, syndrome métabolique (diabète, HTA, obésité), ralentissement psychomoteur, perte osseuse allant jusqu’à l’ostéoporose. Les métastases sont souvent douloureuses et doivent bénéficier de traitements antalgiques parfois très lourd (radiothérapie, morphine…) et les complications peuvent être dramatique (fracture, paraplégie …). Ce constat renforce les recommandations d’un diagnostic précoce afin d’éviter ces métastases. Fort heureusement, la politique de dépistage a permis, depuis l’utilisation du PSA de diminuer drastiquement le nombre de patient diagnostiqué au stade métastatique.

Il n’y a pas un cancer de prostate mais une mosaïque de cancers différents. Tous ne nécessitent pas d’être traités. En 2014, un tiers de patients (34,1 %) porteurs d’une tumeur de la prostate étaient sans traitement ; pour la plupart, ils étaient suivis par des urologues dans un protocole dit de « surveillance active ». A ce jour, seule la biopsie permet de connaître avec le plus de précision le pronostic grâce à l’analyse des pathologistes et l’utilisation des marqueurs histo-pronostiques. C’est donc après ces biopsies de prostate que se décide ou non la surveillance active.

L’imagerie a connu une révolution en termes de « vision » du cancer de la prostate. Depuis peu (2-3 ans), l’IRM permet de voir les cancers de la prostate, surtout les plus agressifs. Aujourd’hui parler de diagnostic de cancer de la prostate sans inclure l’IRM devient une ineptie. Dans la plupart des cas, l’IRM permet d’avoir une idée, qui devient de plus en plus précise, sur les limites locales de ce cancer.

En fonction de l’âge, du type de cancer (Score de Gleason), de la valeur du PSA et du bilan d’extension, la prise en charge varie. Certains cancer seront surveillés (surveillance active) d’autre seront opérés, d’autres bénéficieront de la curiethérapie, de la radiothérapie ou de technique innovante comme l’HIFU, enfin d’autres pourront rentrer dans des protocoles ou des essais cliniques comme pour la photothérapie ou la cryothérapie. Il est clair qu’il existe des prises en charge validées (recommandations de l’AFU, de l’EAU, du Nice, de l’AUA …) et d’autres en cours d’évaluation. Les patients doivent recevoir une information la plus claire et la plus complète possible sur les possibilités thérapeutiques envisageables pour leur cancer.

Le cancer de la prostate touche essentiellement l’homme de plus de 60 ans. Ce n’était donc pas un problème de santé publique au début du XXème siècle car l’espérance de vie était réduite. Mais aujourd’hui l’augmentation de l’espérance de vie rend le cancer de la prostate d’actualité et il le sera de plus en plus : elle atteint en 2014 79,2 ans pour les hommes, soit un gain de 0,8 an par rapport à l’année 2011. L’espérance de vie à 65 ans (nombre d’années moyen qu’il reste à vivre lorsqu’on a atteint à 65 ans) continue également de croître régulièrement, atteignant 19,1 ans pour les hommes (2,4 ans de plus qu’en 2000). Sans surprise, l’accroissement de la durée de vie, impacte le nombre de patients atteints. L’incidence des cancers de la prostate a connu une évolution similaire passant de 24,8 /100 000 en 1980 à 124,5 en 2005 avant de redescendre ensuite vers 97,7/100 000. L’explication de cette évolution récente repose sur des raisons épidémiologiques (après plusieurs années de dépistage la majorité des cancers prévalents a été diagnostiquée) et sociales (la conscience du diagnostic inutile s’est répandue chez les soignants comme dans le grand public et permet un meilleur ciblage des populations).

Le médecin généraliste, le radiologue, le pathologiste, le radiothérapeute et l’urologue sont les premiers acteurs de la prise en charge des hommes atteints d’un cancer de prostate. Les décisions thérapeutiques et la coordination des soins de sont nettement améliorée avec le plan cancer et la tenue obligatoire des réunions de concertation pluridisciplinaire. Les progrès dans le diagnostic (nouveaux marqueurs et imagerie comme le Tep Choline puis bientôt le PSMA) vont changer les pratiques et il est important que l’ensemble de ces médecins puissent avoir accès a l’information.

La morbidité des traitements pour le stade localisé (radiothérapie, chirurgie, HIFU, curithérapie) diminue, en particulier, en termes de continence et de sexualité. A l’opposé la morbidité des traitements des stades plus avancés restent élevée (syndrome métabolique, sexualité, troubles psychomoteurs …). De nouvelles molécules ont été mises sur le marché par les laboratoires pharmaceutiques investis dans la recherche en oncologie mais ces traitements restent lourds, morbides et très chers (De 3000 à 10 000 euros par mois). Il est donc important de continuer à promouvoir le dépistage afin d’éviter l’évolution vers la métastase.

L’AFU recommande donc d’informer les patients sur la possibilité d’être dépisté. Comme il n’y a pas (encore) de politique de dépistage de masse sur ce type de cancer, l’information est essentielle et aujourd’hui l’unique société savante des urologues prône plus que jamais d’utiliser le PSA et l’examen clinique. En cas de doute, l’IRM de prostate devient un élément clés pour poursuivre les investigations si nécessaires (biopsies de prostate).

En conclusion, il est nécessaire d’informer les patients sur ce dépistage possible en utilisant à partir de 45-50 ans et jusqu’à 75 ans le dosage sanguin du PSA et l’examen clinique, en ayant recours à l’IRM de prostate en cas de besoin.